« T'es perdue mon coeur. ? » Sourire aguicheur, pupilles explosées par je-ne-sais quelle substances, bleues glaciales et électrisantes où se cachait une étincelle étrange, cheveux blonds cendrés qui tombaient sur son visage pâle, voix suave, clope au bec, verre entre les doigts... Le type dragueur et complètement défoncé de base. Son odeur d'alcool remontait jusqu'à mes narines pincées, provoquant des hauts le coeur. Je le regardais par dessous mes cils en souriant comme une enfant.
« Non, maintenant que t'es là, je suppose que tout va bien. » J'avais décidé de jouer le jeu ; ce garçon était intéressant.
« Bonne réponse. Tu prendras bien un p'tit verre. ? » Je souris de plus belle mais secoue la tête négativement. Il arque un sourcil, me questionnant du regard.
« Désolé. Je ne touche pas à ces trucs. » Son sourire à lui s'accentue ; je ne comprends pas.
« On arrivera bien à te trouver un Coca... Alors, tu viens. ? » Je pince les lèvres en une moue semi-boudeuse et décide de me lever. Il savait y faire ; je l'appréciais déjà. A mes risques et périls.
***
« Putain Sauzay, arrête ta merde immédiatement. ! » Il me regarde avec un air abattu sans broncher ; attrapa une des pilules sur la table basse qui lui fait fasse en me confrontant de ses pupilles, me mettant au défi d'ajouter quoi que ce soit.
« Earl... J'te préviens de suite, si tu mets ce truc dans ta bouche, je suis prête à plonger dans ta gorge pour te la faire vomir. Tu m'entends. ? » Il éclate d'un rire cristallin qui me fait oublier de respirer une seconde et approche la pastille colorée de ses lèvres blêmes en fermant les paupières sur ses opales scintillantes. Je soupire mollement et m'affale à ses côtés, main prête à bondir. Et là, une micro-seconde m'échappe ; il enfourne la pilule sur sa langue et l'avale avec un sourire vainqueur. Je bondis sur mes pieds, attrape son cou de mes doigts auburns et le secoue de toute la force de mon être.
« Sauzay, espèce d'enfoiré de merde, tu fais chier putain. ! » Son rire retentit de nouveau dans la pièce, tintant contre mes oreilles ; je lui assène une gifle qui le stoppe instantanément. Il me regarde surpris et je me demande, en croisant ses pupilles électriques, où je suis.
« Alaska, va foutre la merde ailleurs, sale fouine. » Sa voix tranchante me coupe le souffle ; j'écarquille les yeux, stupéfaite du mal que peuvent provoquer quelques mots piquants bien placés.
« Casse-toi bordel, tu me les brises. J'veux plus t'voir ici, compris. ? » Je me détache lentement de lui en lui lançant un regard mauvais ; il arque un sourcil en retour.
« Allez, tire-toi. » Je me redresse, lui tournant le dos et m'élance à grandes enjambées vers la porte. Sans un regard pour le blond, je l'ouvre à grands fracas et la claque derrière moi avant de m'enfuir dans les escaliers en courant, larmes perlant au coin des yeux. Je n'en avais pourtant pas fini avec lui...
***
La sonnerie bute contre mon oreille et j'en viens à avoir peur d'entendre la voix de sa messagerie. Je tapote mon pied contre le sol, nerveuse ; sa voix bourdonne soudain, pâteuse.
« Moui. ? » Je retiens mon souffle. Il est encore sous l'effet, je l'entends. Je fronce les sourcils mais tente de garder mon calme, oubliant les reproches qui me titillent encore la langue.
« Earl, c'est moi... Alaska. » Il se racle la gorge de l'autre côté du combiné et je joue avec mes cheveux ; pitié qu'il ne raccroche pas.
« Qu'est ce que tu veux encore, petite biatch. ? Si c'est pour m'faire chier, c'pas la peine, tu peux laisser béton. » Je ferme les yeux et inspire profondément. Ses paroles me blessent mais il n'en est pas conscient.
« Ecoute tu... tu sais parfaitement que je n'aime pas ce que tu deviens. Je déteste te voir te pourrir la vie de la sorte, comprends-le... » Il soupire et je serre les poings. Comment lui dire. ?
« Abrège. » « Putain Earl, tu ne vois pas que si je réagis comme ça c'est que je... » Les mots se perdent dans ma gorge, comme aspirés par un vide inconnu ; ma voix se bloque. Je n'y arrive pas. Earl s'impatiente de l'autre côté du fils. J'inspire un nouvelle fois et toussote nerveusement.
« Je tiens beaucoup trop à toi. Je ne veux pas te perdre... » Une nouvelle fois, j'avais pris la solution de facilité au lieu de lui avouer tout simplement ce que je ressentais réellement. Je l'aimais. Je l'aimais et je voulais qu'il s'en rende compte. Je voulais qu'il arrête ses conneries, qu'il soit guéri de ses dépendances. Pour moi... C'était insurmontable, j'étais incapable de faire sortir ces quelques mots d'entre mes lèvres. Il ne saurait peut-être jamais...
« Al' » Mon coeur bondit dans ma poitrine lorsqu'il chuchote mon nom. Je respire difficilement.
« T'es trop mignonne bichonne. Arrête de t'inquiéter pour moi, c'est cool, j'pète la forme. » Je retiens ma déception tant bien que mal.
« Allez, ramène ton p'tit cul bien roulé, faut que j'te montre un truc. Je t'attends dans cinq minutes à mon café. ? » « Ca roule...» Je coupe hâtivement la communication avant qu'il ne réplique sur ma faible réponse et balance mon portable sur le sofa débraillé. Je serre mes doigts autour de mes tempes. Un jour, je lui dirais... Mais pas aujourd'hui.